Michel Le Quéré

Michel Le Quéré

l'atelier, un service de chirurgie esthétique

 

 

 

 

 

Les articles de mon blog sont illustrés par des morceaux de musique. Je ne considère pas ces illustrations sonores comme secondaires. Mais vous pouvez très bien lire les infos de cet article sans musique.

C'est vous qui décidez.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 "Tout métier qui n'utilise pas ses mains est suspect."

Auguste Renoir

 

 

 

 "Il est essentiel à l'art qu'on puisse recommencer, reprendre, corriger, effacer, annuler ...

C'est ce que la vie ne permet jamais."

André Comte-Sponville

 

 

 

 " Je ne suis pas un être humain, je suis de la dynamite."

Friedrich Nietzsche

 

 

 

" Il n'est en art qu'une chose qui vaille : celle qu'on ne peut expliquer. "

Georges Braque

 

 

 

" N'a-t-il sculpté sa statue que pour achever de prendre conscience de son drame ? "

Yves Bonnefoy

 

 

 

" Il n'est pas à la beauté d'autre origine que la blessure, singulière, différente pour chacun, cachée ou visible,  que tout homme garde en soi, qu'il préserve et où il se retire quand il veut quitter le monde pour une solitude temporaire mais profonde. "

Jean Genet

 

 

 

 

"Tout ce qui concerne la créativité est invisible, est substance purement spirituelle. Et ce travail, avec cet invisible, voilà ce que j'appelle la "sculpture sociale". Ce travail avec l'invisible est mon domaine. D'abord, il n'y a rien à voir. Ensuite, lorsqu'il s'incarne, il paraît d'abord sous forme de langage."

Joseph Beuys

 

 

 

" C'est étonnant comme les ondulations du sable sur la plage ressemblent aux marques de la gouge dans le bois que l'on sculpte."

Henry Moore

 

 

 

" Qu'est-ce qu'une statue ? Un corps vivant recouvert de pierres."

Michel Serres

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

chirurgie esthétique

 

 

 

mon établi centré dans la lumière

table d'opération où le moi artisan répare le moi magma

outil et matériau le moi où je vais ravaudant des prothèses de liberté

suturant pour rafistoler

transfusant pour refondre

anesthésiant pour rebâtir

amputés les regrets

incisés les remords

je suis le très patient patient de ma réparation

 

l'Art

ce tsoin- tsoin palliatif

cette laborieuse prosopopée animale

ainsi ce chef d'oeuvre de nid mille fois recousu par l'oiseau

maladroit mais tenace

 

mon établi centré dans la lumière

où moi j'accouche de moi

c'est-à-dire de l'autre

que j'aurais tant aimé

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ma carapace tellement carrier

tellement forcée dans ce chantier où

en répétition

le haut relief des figurines de l'enfance

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sculpter, piocher, tailler, creuser. Rien que pour ça : faire de la place dans les bras

du souvenir afin d'y loger la carcasse du présent. Pour encore être ce que l'on fut :

une entité vivante et fruste impuissante à quitter sa cavernicolité.

Sculpter, piocher, tailler, creuser dans le ventre de l'irréversible

jusqu'au volume exact du tombeau utile à sa propre jeunesse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mon enfance le cosmos même soupe stellaire dans laquelle j'abîme, je roule,

je sculpte, je triture mon chagrin.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

se reconstruire ?

mais dans quelle carrière ?

avec quelle pierre de soif et d'innocence ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

chaque matin est dans l'attaque d'un requiem

brut et cru de carrière

et tout le jour

pour la splendeur tragique du mausolée

cette douleur qu'on taille et qu'on respire

 

 

 

 

 

 

 

 



 

 

 



 

 

 

 

 

 

 

nid de pierre harcelé par les larmes et forcé par l'outil

ma sculpture

véhicule du sacré

avec dans l'habitacle en partance pour l'invisible

ces gestes fous d'amour que je n'ai pas encore semés

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

arrière-boutique du carnaval intime

où je déguise la peur et la douleur

refuge où j'apaise le maladroit sauvage

qui pleure dans mes décombres

          doux l'atelier

 

 

 

 

 

 

 

 

Le sculpteur taille aussi les archives du marbre ;

Il y puise racines, sans fin, comme les arbres.

C'est un autre lui-même souvent qu'il découvre.

 

 

 

 

 

 

 

 

Maître de pierre, la Vie ! Elle te taille en voie directe, au burin du hasard et de l'amour.

Sous ses meurtrissures métalliques, tu chantes le long chagrin méticuleux du sens.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1971 - 2011                   40 ans de sculpture, déjà !

 

 

 

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 Maquette du nichoir 10 ( acier peint, pierres volcanique et de Lens, h = 21 cm ).

 Le projet est de réaliser cette oeuvre h = 210 cm, en hommage à Mario Mertz pour ses igloos.

 

 

 

 

 

Contre un mur de banlieue privé de la couleur,

 

Appuyant à regret leur pauvre architecture,

 

Trois planches inclinées en guise de toiture.

 

Une ampoule électrique, deux outils sans valeur

 

 

 

Complètent sans façon l'insolite fortin.

 

C'est le port du sculpteur, son cuir, son Iliade,

 

Sa louvière, sa coquille, sa crique, sa barricade

 

Où il refait le monde au rythme de ses mains.

 

 

 

Et ça sent la poussière, le labeur, les tourments,

 

La solitude, la pierre crue des sentiments.

 

On marche dans l'étrange, les copeaux de tendresse,

 

 

 

Les rêves oubliés, les ébauches d'amour.

 

Contre un mur de banlieue sans grâce ni promesse,

 

L'atelier du sculpteur réinvente le jour.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Dans mon tas de bois « de sculpture », un jour j'ai découvert un plot. Vous savez cette courte bille de bois sur laquelle on place debout une bûche afin de pouvoir la fendre d'un violent coup de hache. Charles Bronson dans « Les sept mercenaires ». L'objet en question porte les stigmates de ce travail répétitif réservé aux humbles, aux paysans attardés comme moi qui se chauffent encore au bois, à ces anachorètes d'un autre temps qui tentent de survivre, dissimulés dans les replis ombreux de leur enfance. Je ne suis pas certain que ce plot soit en bois de noyer mais il me semble. Souffrant et tourmenté en tout cas il est. Sorte d'âme de manant condamnée à expier on se demande bien quelle faute. Bosses et départs de branches animent puissamment certaines zones sur lesquelles on cherche en vain les traces de son écorce disparue. Je viens de plonger dans la lumière un cadavre mutilé ; plutôt ce qu'il en reste. Une chose qui a connu la vie courant dans son épaisseur, qui ferme les yeux et semble se souvenir de tout. A la manière des vers de terre qui se contorsionnent énergiquement lorsqu'on les coupe en morceaux, une des branches de la bille de bois s'est recroquevillée telle un bras d'être humain sous la torture. Une main martyrisée se replie sur elle-même à son extrémité. Vibre encore partout en moi le terrible coup qui vient de lui être asséné. Et soudain je la vois ; assise par terre, prostrée mais résistante malgré l'avalanche des humiliations. Elle n'a qu'un but : faire barrage de son pauvre corps afin de protéger sa progéniture calée dans les replis de sa chair tremblante.

 

Je ne verrai plus jamais la bille de bois bille de bois. Pour toujours ce sera Mère Nature protégeant ses enfants. Un autoportrait par elle-même ici en cette matière incarnée. Une oeuvre oui c'est ça, expressionniste. Obsédée par l'infirmité, le désespoir, la mort. Je vois en transparence Le Cri d'Edvard Munch. Je ne pourrai pas oeuvrer contre elle, continuer à taillader sa chair, orgueilleusement prétendre à modifier sa plastique naturelle. Elle ne sera jamais « sculpture de moi ». Le projet qui s'impose ici à l'artiste est soin, aide, écoute, demande de pardon, soutien, parole posée douce et claire, hommage, respect. L'oeuvre devra se confondre avec la notion de matrice du monde. Je ne suis plus libre de rien.

 

Je n'ai plus été libre de rien. Avec son autorisation, pendant des journées entières, je me suis mué soignant, infirmier du pardon, secouriste briefé à mort abnégation et modestie, dévoué parent de mon plus proche parent, fils de en amour et dignité, travailleur des pensées d'Arlette Laguiller, bosseur inaccessible à tout découragement. Ma mère, je vous ai restaurée dans vos fonctions de gestatrice, de conceptrice, de maternante, de nourrice, de femme et de maman. J'ai chassé les obstacles qui masquaient votre infinie beauté. J'ai poncé d'épouvantables cicatrices, à en perdre le boire et le manger. Pour tenter d'effacer cette écriture du mal que les hommes mes tristes frères posent et salement sur la planète, partout et depuis la nuit des temps.

 

Nous n'avons toujours pas compris que la nature n'a pas besoin de nous. C'est nous qui avons besoin d'elle.

 

 

 

 

 

 

 

 

Qu'il soit de sculpture ou d'écriture, l'atelier je n'ai rien à en dire sinon que

ça me tient ou je m'en vais.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 



27/03/2012
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