Michel Le Quéré

Michel Le Quéré

printemps des poètes 2015

 

 

 

 

 

Les articles de mon blog sont illustrés par des morceaux de musique. Je ne considère pas ces illustrations sonores comme secondaires. Mais vous pouvez très bien lire les infos de cet article sans musique.

C'est vous qui décidez.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 " J'appelle poésie cet envers du temps, ces ténèbres aux yeux grands ouverts."

Louis Aragon

« J'appelle poésie cet envers du temps, ces ténèbres aux yeux grands ouverts (...) » Louis Aragon


 

 

 

 

 

 

 

*/*/*/*/*/*/*/ Premier temps de ce printemps : Saint-Julien-Chapteuil, Haute-Loire */*/*/*/*/*/*/

 

 

 

 

LECTURE AGORA Saint-Julien-Chapteuil 4 avril 2015

 

dans le cadre du Vernissage du salon des arts EXPLOR'ARTS

 

Michèle GatMichel Le Quéré – Dominique Dalmasso clarinette et clarinette basse

 

 

 

 

 

 

Maître de pierre, la Vie !

Elle te taille en voie directe, au burin du hasard et de l'amour.

Sous ses meurtrissures métalliques,

tu chantes le long chagrin méticuleux du sens.





nid de pierre harcelé par les larmes et forcé par l'outil

ma sculpture

véhicule du sacré

avec dans l'habitacle en partance pour l'invisible

ces gestes fous d'amour que je n'ai pas encore semés





pierre choisie scellée est le pansement du jour







Une fissure dans la chair

le temps n'était rien.

Des gravats dans la main

 

mais le temps n'était rien.

Un regard sur l'incise

un aplat de lumière

 

dans le gris nocturne

le temps n'est rien

qu'un vif argent

sur l'herbe brune.

 





 


 

 

Contre un mur de banlieue privé de la couleur,

 

Appuyant à regret leur pauvre architecture,

 

Trois planches inclinées en guise de toiture.

 

Une ampoule électrique, deux outils sans valeur

 

 

 

Complètent sans façon l'insolite fortin.

 

C'est le port du sculpteur, son cuir, son Iliade,

 

Sa louvière, sa coquille, sa crique, sa barricade

 

Où il refait le monde au rythme de ses mains.

 

 

 

Et ça sent la poussière, le labeur, les tourments,

 

La solitude, la pierre crue des sentiments.

 

On marche dans l'étrange, les copeaux de tendresse,

 

 

 

Les rêves oubliés, les ébauches d'amour.

 

Contre un mur de banlieue sans grâce ni promesse,

 

L'atelier du sculpteur réinvente le jour.

 

 

 

 

 

La pierre

 

Oui, je la sens frémir la pierre, rien qu'au regard ; elle me dit des choses, pas toujours

 

comme je les pense. Parfois elle est très contradictoire, elle m'en impose alors même

 

qu'elle me donne à voir. Alors surtout pas de précipitation, un très long silence

 

d'observation, qu'elle puisse se laisser apprivoiser, qu'elle accepte d'être touchée,

 

transformée, comme moi-même j'accepte ce qu'elle propose, un lent conciliabule

 

immobile et silencieux, qui peut se réitérer pendant la mise à nu du sujet.

 

Aucune brutalité, sinon elle peut te répondre dans un effondrement sensible,

 

ou une brisure de chagrin, ou un mutisme à toute épreuve, et même jusqu'à

 

faire semblant : tu continues à travailler sur sa matière, tu ne vois que ton sujet, en

 

l'ignorant royalement, et tu te retrouves avec des difformités inattendues, si peu

 

souhaitées, la ligne que tu imaginais, elle te l'a tordue, fait prendre grain

 

après grain sa propre ligne sans que tu en soupçonnes la déviance. L'arrêt est alors

 

obligatoire ; observation mutuelle, questionnement. La pierre n'est pas

 

 

vraiment immobile, elle vibre continuellement, même sous terre, des ondes

 

 

des profondeurs pour lesquelles nous sommes insensibles maintenant.

 

 

En surface elle vibre de toute la lumière qu'elle reçoit des astres, étant astre

 

 

elle-même, d'une lumière noire comme les cendres éteintes, ou brillante comme

 

 

celle des cristaux ; elle a une mémoire incommensurable,

 

 

d'un temps qui n'est plus le nôtre.

 



 

 



résoudre l'amertume est profession d'enfant

dès l'aube au cœur de la carrière à chagrin

choisir la veine le lit

pour le travail forcé d'enrochement du père

extraire à petites mains saignantes

et à désastre ouvert

la serpentine

l'albâtre

la marbrière de mission

la face tangible du rêve maternel





Cette carrière noire comme les yeux d'un Goya, j'y suis entrée par un sombre soir,

 

traversant le cercle de sang séché sur la cendre noire. La carrière figeait son

 

très ample silence autour d'une érection : le dyke phallique, gigantesque,

 

magistral et unique transperçait son flanc déchiqueté. La gueule obscure

 

et comblée offrait la plus grande et noire apnée en vertical éboulis catatonique,

 

de face. La pierre immobile était hostile à tout apaisement intérieur.

 

La montagne aux entrailles ouvertes, je m'y suis adossée et j'ai posé mes

 

pieds dans les cendres éteintes.

 



 

 

opiniâtre le bourgeon sur l'attelle du devoir

ce devoir maître de l'atelier

aucune verticalité possible hors de ses murs





 

 

Les grains de silice agrippent mes paupières, la vue se voile.

Non, pas d'écriture ce soir, dormir fera l'affaire.

Les mots grincent dans le silence.

Que venez-vous faire maintenant dans la paix du soir ?

Vous trimballez vos grelots avec la gouaille d'enfants sots !

Taisez-vous ou partez ! Revenez demain !

Je ne peux de vous m'occuper !

J'ai mal aux mains, tenu la massette et la gradine à trouver

le sens d'une vague sur le dos du taureau.

Que connaissez-vous de cet effort, de cette tension, de cette raideur ?

Peut-être la même chose puisque vous voilà curieux, attentifs,

soudain, à vouloir nommer, dévaliser mes émotions , brigands !

Vous venez dénuer mon repos et mon corps affalé se languit du lit

et des draps chauds.

 

 

 

ma carapace sous la bure du carrier

tellement forcée dans ce chantier où

en répétition

le haut-relief des figurines de l'enfance

le présent au cailloutis

à l'empierrement

à la gradine

à la boucharde

et chaque encorbellement de s'insérer

là-bas

dans les remparts du souvenir irréprochable

et couronnant l'œuvre d'une vie

et d'une compensation





Les mots sont là, insaisissables, plus lourds que les masses de gravats taillés,

essaims d'or et de plomb bruissant dans le crâne.

La pierre était plus légère dans mon souvenir, le chemin de recherche

d'une ligne traversant la sépulture silencieuse et vide, plus paisible et lent

que le souffle d'une voyelle à courser dans la nuit.

Alors je l'ai voulue support des mots , la pierre. Brûlée, tiédie, refroidie,

apaisée.

La graine voyage une saison ; la pierre des millénaires ; les mots quelques

secondes. Ces mots insatiables toujours affamés d'une écriture.

La pierre est là, partout, muette.

Et cet instant : une rencontre dans le souffle des mots.





 

Le sculpteur taille aussi les archives du marbre ;

Il y puise racines, sans fin, comme les arbres.

C'est un autre lui-même souvent qu'il découvre.





chaque matin est dans l'attaque d'un requiem

brut et cru de carrière

et tout le jour

pour la splendeur tragique du mausolée

cette douleur qu'on taille et qu'on respire



 



Garder vivant le fond, la pierre, l'origine de la pierre,

 

le sacré de la pierre, le néant d'avant.

 

 

 

 

 



Sculpter, piocher, tailler, creuser. Rien que pour ça :

faire de la place dans les bras du souvenir

afin d'y loger la carcasse du présent.

Pour encore être ce que l'on fut :

une entité vivante et fruste impuissante à quitter sa caverne.

Sculpter, piocher, tailler, creuser dans le ventre de l'irréversible

jusqu'au volume exact du tombeau utile à sa propre jeunesse.







         Je taille, voûtée, le nez sur la pierre, chaque grain dans le regard.

           Un peu de distance parfois pour observer la ligne.

L'attention fixée sur cette nuance crème, un horizon de

sables coagulés, panorama de désert.

Et puis lever le regard alentour.

Le vent prend mon visage dans son souffle ; il vient d'ouest,

tranquille et chargé, doux pour décembre.

Il étire les nuages en grandes touches de bleus sombres,

affinent leur pointes d'aquarelles mauves.

Et mon esprit est libre de les contempler, qui passent

au-dessus des herbes.

Dans une sorte d'enchantement je me remets au travail,

le corps tendu au-dessus de la pierre.

Plus rien que ce tunnel de tension entre la pierre et le corps,

à chercher le passage.

Les mots sont absents, ni muets, ni clos, absents.

Ils viennent ce soir, habiter le silence.

 

 

 

 

mon établi centré dans la lumière

table d'opération où le moi artisan répare le moi magma

outil et matériau

le moi où je vais ravaudant des prothèses de liberté

suturant pour rafistoler

transfusant pour refondre

anesthésiant pour rebâtir

amputés les regrets

incisés les remords

je suis le très patient patient de ma réparation

l'Art ce tsoin- tsoin palliatif

cette laborieuse odyssée animale

ainsi ce chef d'œuvre de nid

mille fois recousu par l'oiseau maladroit mais tenace

mon établi centré dans la lumière

où moi j'accouche de moi

c'est-à-dire de l'autre que j'aurais tant aimé







C'est un tout traversé par le vent.

 

La pierre telle que, ici.

 

Emergée de lave, issue du dessous, d'en bas, alvéolée d'air

 

et de feu, hissée de la nuit, stigmates figés.

 

La plaque de cuivre, gravée, pour quelques mots qui disent,

 

l'inaperçu, l'écrit de l'entraperçu, de l'à peine vu, de

 

l'effleuré muet.

 

Dotés d'un petit rien qui traverse et qui retient, une géométrie

 

rectiligne, imparable, une fixation, un vecteur, une ligne

 

échappée du texte.

 

Un rayon fiché dans la pierre trouée.

 

Le trou de l'écrit, le cul de la pensée, l'arrière, le dos, le fond.

 

L'ailleurs, le on ne sait quoi, le sans façon.

 

Qui retient.

 

Tenir et tenir par les deux bouts la matière et l'écrit.

 

L'espace, entre, minuscule, un interstice,

 

 

 un infime, un in-fini, qui m'enchante.

 

 

 

 

 

 



 



je suis du même monologue que le gris de l'attente

je ne sculpte plus que l'idée de toi

le volume du temps sans toi

la chair des heures

dans la monumentale souche du chagrin

je cariatide ta lumière

et je cisèle au coeur la fracture du pire

ton absence n'est rien qu'Himalaya de marbre

 

 

 

 

 

 

*/*/*/*/*/*/*/ Deuxième temps de ce printemps : Beauzac, Haute-Loire */*/*/*/*/*/*/

 

 

 

Ecole Primaire de Beauzac

CM1 de Nathalie Benoit

Ateliers d'écriture

Jeudi 2 avril 2015

 

Dans le cadre du projet fédérateur ARTOTHEQUE - exposition nomade, Nathalie Benoit et ses élèves ont retenu ma sculpture intitulée

Au petit frère que je n'ai pas eu  ( bois peint, L = 45 cm )

 

 

 DSC01498.JPG

 

L'enseignante et ses élèves ont énormément travaillé à partir de la présence de l'oeuvre dans la classe.

Je ne peux pour l'instant rien révéler de l'originale et très intéressante démarche. RV dans quelques semaines à l'ESPE du Puy-en-Velay où aura lieu l'exposition-bilan de l'Artothèque 2014-2015.

Dans la réalisation du projet, mon rôle a été d'animer deux ateliers d'écriture, travail collectif dont le but était la production de deux poésies. La classe étant partagée en deux groupes, le premier a choisi d'écrire sur le thème de la différence et le second sur celui de la famille. Des séances de 45 mn qui nous ont permis d'inventer les textes que voici :

 

 

 la différence.jpg

 

 berceuse.jpg

 

Ces deux poésies sont venues illustrer, dans le cadre du projet fédérateur Artothèque - exposition nomade 2014-2015, les réalisations de la classe de Nathalie Benoit, deux films d'animation que vous pourrez découvrir dans l'article ARTOTHEQUE 2014-2015 catégorie Aventure de ce blog et à l'ESPE du Puy en Velay, du 4 au 18 mai 2015.

 

 

 

 Artothèque 2015

Découvrez les oeuvres des élèves en écho à celles des artistes.

Du 4 au 18 mai 2015 au niveau 0 de l'atelier Canopé (salle d'exposition)

 

Canopé 43

8 rue Jean Baptiste Fabre

Le Puy-en-Velay

 

 

 

 

 

*/*/*/*/*/*/*/  Troisième temps de ce printemps : Le Puy-en-Velay, Haute-Loire */*/*/*/*/*/*/

 

 

 

 

Ulis, classe de Jacques Danthony

Collège Lafayette

Rencontre, atelier d'écriture

Vendredi 10 avril 2015

 

 

Belle rencontre j'allais dire de vie, ce vendredi matin 10 avril 2015, au Collège Lafayette du Puy-en-Velay. Heureux et honoré je suis d'avoir été invité à fêter le Printemps des poètes par Jacques Danthony et Mathieu, Sylvain, Anthony, Aurélien, Lola, Jacinthe, Emile et Nidhal ses élèves de la classe Ulis. L'Ulis est un dispositif qui permet aux élèves avec des besoins particuliers de pouvoir suivre une scolarité adaptée à leurs possibilités au collège. Je suis reçu comme un ami. Après les catastrophes déversées par la radio dans le bol de mon petit déjeuner rien ne pouvait m'apparaître plus réconfortant que l'accueil de ces enfants pour lesquels accomplir le moindre geste est une épreuve. C'est moi qui me retrouve sur les bancs de l'école pour une magnifique leçon de savoir vivre. Jacques et ses élèves, en guise de discours de bienvenue, me lisent Ulis, le poème qu'ils ont composé en imaginant qu'un poète allait venir les voir.

 

 

Ulis

 

 

 

F1, ce n’est pas une voiture !

Une salle de classe.

Lola, Mathieu, Aurélien, Sylvain, Jacinthe, Anthony, Agathe, Émile, Nidhal passent.

Ici, les élèves utilisent l’ordinateur pour leur écriture.

Situation de handicap possible,

Projets, progrès, rien d’impossible...

 

 

Jacinthe, Lola, Aurélien, Mathieu, Sylvain

3 avril 2015

 

Evidente démonstration s'il en était besoin que chaque être humain est aussi à ses heures expert en poésie. A la récréation nous dégusterons tous ensemble le délicieux gâteau au chocolat que la classe a confectionné pour l'occasion dans l'atelier cuisine. Si tout ça n'est pas de la belle réception ... Mais avant je dois me plier, comme on dit, au feu roulant des questions. Depuis quand écrivez-vous de la poésie ? etc. etc. Pour ma part j'ai tenté de faire saisir que la Poésie avant tout c'est, comme l'a écrit Paul Eluard, ce qu'on n'attend pas.

 

Je dormais dans mon cartable. Sur un lit de camp en copeaux de crayons de couleurs. Pour ne pas manquer le tout bouillant, l'état récent, l'apparition, l'école. Cet habitacle distillait de la senteur d'existence. La respirer c'était croiser l'inconnu, soulever merveilles et éblouissements. Une odeur de cuir neuf, de peau brute mélangée à des parfums de bois sucré. Ma chère campagne m'attendait sur le seuil de cette nouvelle demeure, résignée, interloquée, fidèle, les bras noyés dans son bouquet de cour de ferme.

 

Nous nous sommes attardés un peu sur ce poème-souvenir d'enfance qui a me semble-t-il, en amusant, fait toucher du doigt le bout des ailes libres du mystère Poésie.

 

Après coup, c'est douloureux de ne pas se souvenir de tout si ce n'est de la gravité de ton, de l'humour et de l'humanité se dégageant de cet incroyable moment qui fit de ma petite personne quelqu'un de presque important alors que l'important était ailleurs, dans l'échange et l'émotion, dans le plaisir et l'attention que des êtres humains veulent bien parfois accorder à leurs semblables. Je n'avais envie que d'une seule chose : que rien ne soit impossible pour ces enfants. L'atelier d'écriture nous a alors permis de nous lancer à l'assaut de nos rêves. Chacun s'est évertué à donner le meilleur de lui-même comme si écrire c'était tenter de découvrir au fond de soi un jardin étonnant mais bien réel.

 

 

 

Rien d’impossible

 

Je voudrais une barrière à l’entrée de chaque forêt

Et une grotte dans ma maison pour tous les animaux.

 

Je voudrais chanter The Voice.

 

Je voudrais être président de mon école

Pour que les repas soient encore meilleurs.

 

Je voudrais être la secrétaire du bon secours.

 

Je voudrais faire le tour du collège en vélo

En laissant des traces sur le sable.

 

Je voudrais rentrer dans un film rigolo.

 

Rien d’impossible

D’ailleurs l’alarme vient de sonner

C’est l’heure de grimper sur les 9 nuages enchantés.

 

 

Deux fois de suite, mais pour de faux, l'alarme de l'exercice incendie a retenti, nous obligeant à sortir de la classe. J'ai bien compris le message de la sirène : il disait que les hommes ne deviennent des hommes que lorsqu'ils prennent soin de tous les hommes. Je remercie Jacques, Mathieu, Sylvain, Anthony, Aurélien, Lola, Jacinthe, Emile et Nidhal d'avoir bien voulu prendre soin d'un vieux monsieur un peu poète heureux d'avoir partagé avec eux un beau moment de vie.

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 





06/04/2015
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